L'oculariste et la prothèse oculaire

décembre 2003

Editorial

Chers Membres,

– Le temps passe vite, très vite…
– Eh oui ! Voilà déjà notre bulletin de fin d’année.
– Une année bien fructueuse en événements et en émotions.
– Vous allez le découvrir à la lecture de notre bulletin qui est ce lien qui nous permet à tous de savoir ce qui se passe dans notre association.
– En cette période de festivité, on fait des projets pour la nouvelle année.
– Mon vœu pour l’année 2004.
– Que chaque parent parle tout simplement autour de lui de l’ARPA et que le plus grand nombre de personnes aient envie de faire un bout de chemin avec nous en devenant :
“ Un membre passif ”
– Un vœu tout à fait réalisable, j’en suis sûre.
– Je vous souhaite Chers Membres :
Un Joyeux Noël
Une Bonne et Heureuse Année 2004

Votre Présidente
Ginette Imobersteg

L’oculariste et la prothèse oculaire

On connaît l’oculiste, l’ophtalmologiste, mais l’oculariste ?
L’oculariste, c’est tout simplement une personne qui prépare des prothèses oculaires. Tout simplement ? Voyons plutôt….
L’histoire de la Prothèse Oculaire remonte à l’Antiquité.
En effet, la perte d’un ou des deux yeux, en plus du handicap fonctionnel qu’elle génère est source d’une disgrâce esthétique traumatisante. De tous temps donc, les artisans se sont adonnés à l’art de la fabrication de yeux artificiels.
A cette époque, le but était essentiellement artistique ou funéraire : les artisans dotaient les statues, les momies de yeux artificiels.
Leur art ne laissait pas indifférents les traumatisés de l’œil qui finirent par se procurer leurs services.

C’est à Ambroise Paré (1579) que revient la primeur de l’utilisation de la prothèse oculaire. Jusqu’à la fin de XVIIIe siècle de nombreux charlatans mutilaient les gens en leur faisant miroiter la possibilité de leur confectionner un œil artificiel. Au vu des méthodes primaires utilisées, de graves traumatismes en résultaient. Puis les premiers spécialistes se regroupèrent et décidèrent de fabriquer un œil artificiel. Charles-François Hazard, souffleur de verre talentueux et son neveu Hazard Hérault, auteur en 1818 du 1er “Traité Pratique de l’œil artificiel ” furent les premiers à s’intéresser vraiment à ce problème.
Vers 1830, Auguste Boissonneau employa pour le première fois le terme d’oculariste et fonda le premier cabinet.
La maîtrise et le savoir-faire français parcourut tout le pays et le terme oculariste fut adopté internationalement. L’œil de verre vécu pendant un siècle, tandis que dès les années cinquante, son homologue en résine faisait déjà son apparition.
Les rôles de la prothèse oculaire sont d’une part, de restaurer l’esthétique du visage et du regard et d’autre part de permettre au globe oculaire et à ses structures adjacentes de retrouver une structure des plus physiologiques.
Tout le monde sait ce qu’est une prothèse oculaire, mais croyez-moi, tout le monde ne sait pas ce qu’est la véritable prothèse oculaire conçue par M. Dubois, oculariste suisse, unique en son genre….. au monde !
Qui est donc ce M. Dubois, et que fait-il de si différent ?
Après avoir travaillé entre autres dans la mécanique, été technicien dentaire, étudié les Beaux Arts, M. Dubois a repris dès 1968 les travaux d’un certain M. Schmitter sur les prothèses oculaires. Après trente ans de recherches acharnées, M. Dubois a réussi à élaborer une prothèse oculaire confortable, fiable, adaptée au corps humain et surtout qui empêche les effets secondaires dus aux prothèses courantes.
La prothèse oculaire habituelle en verre – d’ailleurs interdite d’utilisation aux enfants en France – présente, cela est son grand défaut, une forme tout à fait aléatoire vu le matériau utilisé. Elle n’est pas toujours très conforme à la cavité oculaire, même si certaines sont mieux que d’autres, eu égard à la dextérité du prothésiste. Elles sont le siège entre autres, de ptoses, d’escarres, et cela nécessite la plupart du temps hormis un inconfort et des douleurs, des interventions chirurgicales qui elles-mêmes finissent par provoquer des altérations musculaires et nerveuses sur le fonctionnement des paupières, sans compter le coût des soins.
La prothèse oculaire que nous propose notre oculariste suisse, mondialement connu, – il a ouvert en 2001 un cabinet à Beyrouth au Liban – respecte l’anatomie de la cavité oculaire. Comme la nature a horreur du vide, dès qu’il y a eu énucléation, les tissus alentour s’oedématient pour combler le vide. La prothèse oculaire de M. Dubois tient compte de cela, et le fait d’être hyperadaptée tridimensionnellement en forme et en poids va encourager et restaurer un retour à la norme des tissus.
De même pour les paupières ptosées : la prothèse oculaire est si bien conçue que le corps étranger va finalement la prendre non pas pour un corps étranger mais pour un corps intelligent pour un temps, qui vient se substituer à l’organe perdu, et tout va se restructurer autour selon un ordre intelligent établi.
Pour un temps seulement, car naturellement l’enfant, l’ado, grandit.
Toute sa structure crânienne croît, se transforme pour arriver au crâne adulte et la prothèse oculaire devient à certaines étapes évidemment inadaptée. A certains moments clefs de la croissance, notamment lors de la poussée de molaires qui transforment littéralement la face de l’enfant ou de l’ado, M. Dubois change la prothèse oculaire, et l’adapte à la magnifique transformation crânienne qui se fait sous l’impulsion de la croissance naturelle.
Cette prothèse oculaire, pas comme les autres, M.Dubois, l’a réalisée grâce à une empreinte tridimensionnelle, qui est le concept original de son travail. Empreinte qui a nécessité des années de recherche et aussi un investissement financier très important : on a tous vu quelque part chez le dentiste une empreinte dentaire : il “ suffit” d’ouvrir la bouche et de mordre à pleines dents sur une espèce de pâte qui va durcir, et voilà le travail est presque fait. Mais une empreinte de la cavité oculaire remplie de cicatrices, de douleurs, de sensibilité, de tissus œdématiés, imaginons – si cela est possible !– les heures passées à réfléchir, à concevoir, à essayer, à recommencer, encore et encore.
D’autre part, M.Dubois a su s’inquiéter de l’esthétisme. Il a voulu redonner à ses patients l’iris perdu dans sa couleur et ses particularités originelles, il a voulu peaufiner la sclérotique et tous les détails adjacents par un savant travail sur les couleurs. Grâce à un acharnement passionné, M. Dubois a réussi à confectionner des lentilles – pour lui le terme prothèse oculaire se rapproche trop du handicap, il lui préfère le terme de lentille – dont la similitude avec un œil normal – tant dans l’aspect extérieur que dans sa conception physiologique – est tout à fait exceptionnelle.
Tout a été passé au peigne fin, sa lentille en résine de synthèse est incassable. Elle n’est pas dégradée par les larmes. Toutes les formes sont possibles, elle peut être moulée ou polie à souhait et le porteur peut la garder 24heures sur 24. Elle est complètement compatible avec le corps humain.

Alors, Pourquoi s’en priver direz-vous ?
Pour deux raisons :

La première, c’est qu’il faut savoir que M.Dubois existe, car souvent, pour ne pas dire toujours, dans des cas comme celui-là, “ Nul n’est prophète en son pays”. M. Dubois doit donc se battre pour exister et se faire reconnaître ici en Terre suisse, alors que son œuvre est sinon connue – voire vénérée – à l’étranger. Il a une clientèle dans plus de soixante-dix pays !

La deuxième, l’on s’en doute sera financière.
Si les prix de M. Dubois sont largement en deçà du travail et du matériel exigé, le montant d’une lentille que l’on doit changer plusieurs fois jusqu’à l’âge adulte représente parfois un montant qui pèse lourd dans un budget familial.(Une fois l’âge adulte atteint, sa lentille plus performante sur le plan du confort, de la physiologie, de l’esthétisme (ne devient pas mat comme les autres) le devient également à un niveau financier puisqu’en plus du reste, elle est incassable !
Or, jusqu’à peu, ces lentilles étaient prises en charge par l’AI. Mais, depuis le début de l’année, les prothèses oculaires en matières synthétiques ne sont plus remboursées par l’AI, hormis certains cas extrêmes.
Pour comparaison, en France voisine, les prothèses oculaires sont remboursées par la Sécurité sociale.
Il semblerait donc qu’il soit trop demandé à nos politiciens et fonctionnaires de réfléchir au bien-être des personnes ayant eu une atteinte dans leur intégrité physique.
Dans un pays comme le nôtre ou abondance ne devrait pas rimer avec carence, on se voit refuser des aides financières basiques qui devraient être dues à ces personnes qui ont droit à un minimum de confort dans leur atteinte et si d’autant plus, on en a la possibilité.
Alors pourquoi s’en priver ?
Tout simplement parce que nos autorités ont décidé de supprimer cette aide, c’est tout. Et tout simplement révoltant.
Alors, si vous êtes concernés par cet article :
N’hésitez pas :

1°- A écrire à : M. Dubois
Rue Chambian 13
1400 Yverdon

Pour l’encourager et le soutenir dans son travail, et pour l’aider à assurer une descendance à sa recherche qui sera évaporée s’il n’y a pas de suite qui s’installe.

2°- A écrire à nos politiciens – que nous élisons nous-mêmes, rappelons-nous en – avec acharnement et passion :
–pour rétablir le remboursement par l’AI des prothèses oculaires.
–pour assurer une continuité d’une profession vitale pour des traumatisés de la vue.

Car, qui mieux que nous, parents concernés, peut défendre la cause de nos enfants, de nos ados, de nos êtres chers qui ont droit à ce qu’il y a de mieux pour eux ?

M.-L. Brault Yerly

Les Petits Princes du Désert

… Juillet 1998, Tunisie, Port-el-Kantoui. Par un bel après-midi tout ensoleillé où le soleil brille haut dans l’azur du ciel, je propose à notre groupe d’adultes handicapés physiques et/ou psychiques une ballade à dos de chameau, de cheval, d’ânes et de tour en calèche
Engagée par le Serei comme guide accompagnatrice bénévole, avec d’autres collègues, je m’occupe d’un groupe de 27 personnes venues de différentes institutions pour passer des vacances au bord de la mer Méditerranée.
Diverses activités occuperont leur séjour, mais celle qui les a sans conteste le plus amusé fut cette sortie avec les animaux dans la campagne tunisienne. Adieu maux divers, angoisses et autres inquiétudes. Je n’y ai vu que des visages souriants et maints éclats de rires résonnaient à mes oreilles !
Mais ce fut surtout ma conversation avec Isabelle qui me dit : « Je rêverais d’aller dans le désert !». Hélas, les personnes handicapées de mon groupe nécessiteraient une prise en charge de soin beaucoup trop lourde à gérer pour un tel voyage.

Un jour, alors que j’étais plongée à nouveau dans la fascinante histoire du Petit Prince de St-Exupéry, une phrase fit le déclic dans ma tête : Le Petit Prince disait : « On s’assied sur une dune de sable. On ne voit rien, on n’entend rien. Et pourtant quelque chose rayonne en silence… ».

Des aveugles, des sourds, et de plus des enfants ! Voilà un handicap qui ne les empêchera pas d’aller voir ce qui rayonne dans le désert !…
Un sacré défi, une année entière de réflexions, de recherches, d’adaptation, de création et finalement d’organisation. On a bien souvent tenter de me décourager. C’était pire, ça me donnait encore plus de conviction et des ailes pour me lancer seule dans la réalisation du projet « Les petits Princes du Désert ». J’ai reçu également beaucoup d’encouragement ce qui a renforcé en tous points la certitude que j’avais de vouloir offrir ce voyage à des enfants handicapés de ces deux sens. J’ai volontairement souhaité que ce se soit les mamans qui accompagnent leur enfant, pour plus d’intensité, de partage, de découvertes et d’émotions.
Dans le Sahara ils apprendront à connaître une autre culture, à découvrir un autre climat, sa faune et sa flore, à marcher longuement dans le calme, à écouter le silence, à comprendre la valeur de l’eau.
Mon plus beau et fantastique souvenir de ce voyage restera celui du sourire des enfants sur le dos des chameaux, des moments partagés dans le crépuscule naissant autour d’un verre de thé saharien. N’y a-t-il pas plus merveilleux cadeau que l’enthousiasme de Ruchi, Anicia, Manju, Claire, Maëlle, Elodie et Darek ?
Ma plus grande conviction, celle que des enfants handicapés de la vue ou/et de l’ouie peuvent vivre, avec une incroyable facilité d’adaptation, des voyages dans un environnement aux conditions pas toujours faciles.
Mon plus grand espoir : que ce projet donne envie à d’autres personnes de réaliser des idées que l’on qualifie à priori de « pas possible pour des handicapés ».
Encore merci à l’ARPA d’avoir soutenu financièrement Les Petits Princes du Désert et particulièrement à Mme Pascale Domon, pour son aide.
Un récit de voyage est en préparation. Pour de plus amples informations n’hésitez pas à me contacter.

Anissa Djendli, Vallon

Voyage dans le désert de Mauritanie.

Des plateaux sombres surplombent de vastes étendues dans lesquelles le vent a dessiné des vagues de dunes (comme disait Brel) on devine quelques rares oasis, une piste, puis Atar, notre destination…

1er jour : nous sommes le 20 octobre 2003
De grandes étendues d’eau entourent l’aéroport. Il a beaucoup plu la nuit précédente. Eh oui, il pleut aussi dans le désert !

Rencontre avec notre équipe qui nous attend à côté du camion et d’un 4x4 qui nous conduiront vers notre premier bivouac.
Mahmoud notre guide, accompagné de Béchir nous donne quelques informations. Raki notre cuisinière nous sourit dans sa magnifique robe colorée.

Après avoir retrouvé les chameliers et les 17 chameaux qui nous accompagneront durant la semaine, ils déchargent nos sacs et les véhicules repartent vers Atar.

Dès que les enfants posent pied à terre, ils se laissent tomber sur les genoux afin de jouer avec le sable. Nous sommes bien dans le désert !
Le sable est humide et se laisse modeler à la grande joie des enfants.

Petite ballade dans les dunes et les palmiers, lentement le rythme du désert s’impose. Après le succulent souper de notre cuisinière Raki, nous préparerons nos affaires pour la nuit. Première nuit à la belle étoile.

Par moment le ciel laisse apparaître quelques étoiles, puis disparaissent derrière d’épais nuages qui nous apporterons la pluie durant deux jours.

 

2ème jour :
Le réveil se fait au lever du jour, (6h 30 env.) et après un copieux petit-déjeuner, nous préparons nos sacs qui seront chargés sur les chameaux par les chameliers.
Un petit sac à dos avec la gourde et quelques petites affaires personnelles seront notre seul bagage pour la journée.

Quatre chameaux sont sellés afin de soulager les premiers qui seront fatigués de marcher. Mais c’est plus par l’envie de se laisser bercer par le pas chaloupé de ces animaux, que nous tentons pour certaines notre première expérience.
Les enfants sont très vite séduits par cette cadence calme et tranquille, pouvant pour certains, admirer du haut de leur monture, les dunes à l’infini, et pour d’autres, se laisser bercer par un doux cliquetis que le sable fait sous les pieds des animaux.
La caravane prend le départ accompagnée de deux moutons qui ne verront jamais l’arrivée, puisqu’ils sont prévus pour nos repas !

Nous entamons notre première journée de marche.

Bientôt une fine pluie accompagnée d’un léger vent fait voler nos foulards.
Nous traversons une plaine de cailloux. La passe d’Herrour où de majestueux rochers éclatés par la chaleur bordent le passage.
Puis c’est une plaine de sable et petites dunes.
Miracle de la pluie, sur notre chemin un champignon !

3ème jour :
La pluie ne cesse pas de tomber. Nous ne quitterons le campement que vers 14h.
Sous la tente, Anissa lit des contes aux enfants, pendant que Béchir prépare le thé. Cérémonie que chacun admire et note le déroulement sur son cahier humide.
« Le premier thé est amer comme la vie, le second doux comme la vie et le troisième suave comme la mort » aiment raconter les mauritaniens.
Le soir, campement au milieu des dunes. Nous pouvons de nouveau dormir sous les étoiles qui apparaissent lentement derrière les derniers nuages.

4ème jour :
Enfin le soleil ! Cette fois il faudra choisir l’ombre d’un acacia pour le repas de midi !
La chaleur devient de plus en plus intense, nous espérons qu’elle sèchera nos affaires au travers des sacs.

Les derniers petits nuages nous offrent un coucher de soleil incroyable.
Dans la nuit étoilée, le champ des grillons nous accompagne dans notre sommeil.

5ème jour : l’Erg Ouarane
La journée promet d’être chaude. Aujourd’hui il nous faudra beaucoup marcher pour rattraper le retard. Nous sommes arrivés avec un jour de retard dû au vol et une demi-journée à cause de la pluie.
C’est sous un soleil du « Sahara » que nous reprenons la marche.
Les dunes sont notre seul horizon. Rondes et douces, elles nous attirent. Pour escalader une dune, choisir la partie la moins haute et grimper en faisant de grands pas. Puis, longer la crête vers son sommet et là, enivrés par un nouvel infini, regarder d’où l’on vient, où l’on va, où l’on n’ira pas et descendre lentement en glissant dans le sable. Quelle joie pour les enfants !
Pieds nus, on sent les grains glisser sous la voûte plantaire, masser les chevilles pour finir aux mollets. Les dunes c’est la mer…
La plupart sont orangées, certaines sont jaunes. Un sable ocre, poudreux comme le talc…
Séduit par ce spectacle inoubliable, au loin nous apercevons notre tente. Quelle distance nous sépare? Impossible de l’évaluer, tant les ombres et lumières faussent nos jugements.
Nous sommes cependant heureux d’arriver au bivouac car la fatigue se fait sentir.
Le soir, nous sommes invités à boire le thé en compagnie des chameliers à qui l’on a offert des cadeaux. Vêtements pour leurs enfants, crayons etc.…

6ème jour :
Nous sommes maintenant dans l’Oued « la batâh » de Chinguetti.
Dernier petit-déjeuner dans le désert, il nous reste env. 2 heures de marche pour atteindre Chinguetti.
Deux heures et l’apparition quasi miraculeuse, dans ce paysage de sable, des premières habitations et des marchands avec leur âne se dirigeant vers la ville.
La vieille ville est vraiment en mauvais état, les amas de pierre montrent que le sable englouti la ville et que le désert avance.
Nous rencontrons un jeune homme qui nous fait visiter la bibliothèque de sa famille et le musée qu’il a créé. Il nous montre d’émouvants livres dont certains datent du treizième siècle.
Nous traversons la Chinguetti sous un soleil impitoyable (au moins 35°), entouré de vendeurs de bijoux, de chèches et autres, mais nous n’avons pas le cœur de marchander, nous avons plutôt envie d’être encore une fois dans le désert.
Nous arrivons dans une « auberge » où le repas de midi nous est servi sous la tente. Pendant que les enfants se reposent à l’ombre, nous allons visiter quelques marchands, accompagnés de Mahmoud qui fera pour nous le marchandage, afin de remplir nos sacs de souvenirs exotiques.

Le retour vers Atar se fait en camion. Nous arrivons à la tombée de la nuit et prenons notre première douche après une semaine. Nous dormons dans une chambre avec sept matelas posés à même le sol sur un tapis, quel luxe !
Ruchi s’exclame : « Et enfin une toilette ! »

En cinq jours et 70 kilomètres, soit 4 à 7 heures de marche quotidienne, l’expédition n’a pratiquement pas croisé âme qui vive. Si l’on excepte des sauterelles géantes, des cafards « gros comme ça », des criquets, des scarabées et des corbeaux.
Quant aux animaux du désert proprement dit, ils n’ont fait voir que leurs traces : des gerboises (sortes de souris du désert) et des fennecs (ou renard des sables).
De vrais rencontres ont pourtant eu lieu, humaines celles-là entre les jeunes voyageuses et leur accompagnants mauritaniens.
La sensibilité de Mahmoud, Béchir et Raki tendant la main aux enfants pour marcher ou jouer en dépassant toutes les limites du handicap…
Les moments de détente en savourant les succulents repas de notre cuisinière…
Les récits de la journée en dégustant le thé …
Le rire des enfants se racontant des histoires sous la tente…
Les petits bobos de tous les jours devenant si anodins…
Toute cette simplicité partagée….
Si tout cela ne laisse pas une empreinte indélébile au fond de nos cœurs, alors le désert devient vraiment aride !

Mais si ce projet peut montrer que l’on peut aimer le désert sans le voir, sans l’entendre, que l’on peut établir le contact même quand les mots manquent, alors pour tous ces merveilleux moments, je crois que nous ne marchions pas seulement sur les « traces » du Petit Prince, mais qu’il marchait à nos côtés, car : « On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux. »
Et pour ne pas oublier celle qui, grâce à sa générosité, sa disponibilité, et surtout sa grande sensibilité a offert ce rêve aux enfants et leurs accompagnants, Anissa Djendli que je tiens à remercier – qui, telle une fée, d’un coup de baguette magique, nous a emmené dans un monde de partage, de bonheur et d’amitié. MERCI
Silvana

Impression du voyage dans le désert de Mauritanie

Nous avons demandé à chaque participant du voyage de nous livrer leurs impressions….les voici :

J’ai eu l’impression que le désert n’avait pas d’odeur.
Je n’avais jamais pensé qu’un chameau faisait un bruit comme ça, j’ai trouvé ça très rigolo ! J’ai aussi beaucoup aimé le bruit de la vaisselle en métal.
J’ai vraiment aimé toucher le sable quand il est sec. Il est très fin, il me fait penser à l’histoire « une poignée de sable fin » que j’ai écouté une fois. Dans cette histoire je me souviens qu’ils disent :
« La vie c’est comme une poignée de sable fin que l’on prend dans sa main, lentement il coule entre les doigts et un jour tombe le dernier grain »
Ruchi

Parler du désert, ne serait-ce pas, d’abord se taire, comme lui et lui rendre hommage, non de nos vains bavardages, mais de notre silence ? (Théodore Monod)

J’aime beaucoup cette phrase, mais pourtant il y a tant à dire, mais les mots me manquent pour décrire les spectacles et les secrets que le désert nous a offerts.
Les images restent toutefois imprimées dans ma mémoire et les émotions gravées dans mon cœur.

Ce qui m’a le plus fasciné cependant, c’est l’espace-temps !
L’espace n’avait pour moi plus de limite. Un infini de sable et de dunes et derrière la dune, une autre dune… Comment peut-on se repérer et retrouver son chemin ?

Le temps quant à lui ne comptait pas. Le lever du jour et la tombée de la nuit rythmait nos journées. Le soleil au zénith indiquait l’heure de repos et du repas de midi. Se laisser vivre, quels merveilleux moments que de pas devoir vivre au rythme du tic tac de la montre.
Et le contact humain, tous ces moments partagés dans le groupe, sous la tente, en attendant le thé… Les rires des enfants…
…Quelle simplicité ! Dans le désert on a rien et on a besoin de rien.
La complicité avec laquelle Mahmoud, Béchir et Raki tendaient la main aux enfants pour marcher ou jouer dépassant toutes les limites du handicap…
Pour toutes ces émotions, ces moments vécus, le projet devient véritablement une expérience de vie fantastique.

Silvana

C’est un pays très silencieux et on voyait quelques petites touffes d’herbes et des palmiers-dattiers.
Il y avait aussi, de grosses dunes de sable, sur lesquelles on descendait comme si on faisait du ski.
C’était bizarre, de voir des touffes d’herbe dans le désert. Etonnamment, il pleuvait. On voyait aussi, des moutons et des chèvres.
Manju

 

C’est la première fois que je prends l’avion, oh c’est super ! Les couleurs du sable sont brun orange. Je suis montée 4 x à dos de chameau et on a beaucoup marché. Sur les chameaux, ça balance, son cri ne me plaît pas. Durant toute la semaine, le chameau n’a rien bu et nous, on a goûté les « 3thés ». 1er thé : ça va ; 2ème thé : ça va ; 3ème thé : c’est mon préféré. Les guides, la cuisinière sont très gentils

Maëlle Gerber


Je garderai un souvenir vraiment inoubliable et bien particulier de ces 7 jours passés dans le désert. Particulier, car nous avons bénéficié de l’immense privilège de vivre quelques jours sous la pluie ! Une expérience que bien des habitués des voyages dans le désert n’ont jamais eu la chance de vivre. Particulier, car chaque participant a perçu, a ressenti cette merveilleuse immensité à travers des sensibilités différentes. Particulier, car chaque participant s’est adapté aux conditions qui n’étaient pas toujours faciles et loin du confort auquel nous sommes habitués ici. Mais le paysage était tellement fantastique, les découvertes si nombreuses et l’ambiance du groupe tellement sympathique que ces petits désagréments n’étaient que futilités. Un grand merci à Anissa qui a eu l’audace et le courage d’organiser cette expédition hors du commun et qui nous a permis de partager de véritables moments de bonheur.
Rachel Weber

Merci encore beaucoup de nous avoir donné la chance de vivre une expérience hors du commun, c'était vraiment une belle aventure. J'ai surtout aimé et apprécié le calme du désert (j'aime la tranquillité). On ne pouvait pas s'imaginer que la guerre existe quelque part sur terre. Il me semblait que le ciel comptait beaucoup plus d'étoiles que chez nous et cela donnait l'impression qu'elles allaient jusqu'au sol, c'était magnifique. Vivre le désert avec de la pluie et autant de verdure relève aussi de l'impensable et restera un excellent souvenir. Ensuite j'admirais le calme de Mahmoud, Béchir et Raki et leur attention envers nos enfants.
Ce qui m'a moins plu, c'était les villes. Après le calme et la propreté du désert, les villes tellement sales, des cadavres d'animaux par-ci, des odeurs bizarres et dégoûtantes par-là, mais dans la globalité, les choses positives et merveilleuses ont largement pris le dessus.
Kathy


J'ai trouvé ce voyage super cool. J'ai surtout beaucoup aimé les excursions à dos de chameau. Avoir passé une semaine avec toutes ces copines était aussi très intéressant et souvent amusant; nous avons eu beaucoup de temps pour discuter et échanger nos idées. Mahmoud, Béchir et Raki étaient très sympa avec nous.
Ce qui ne m'a pas vraiment plu, c'était les gens à Chinguetti car ils voulaient toujours nous vendre des choses que nous ne voulions pas.
Je ne sais pas encore si je recommencerais le même voyage, mais je suis très contente de l'avoir fait une fois.
Anicia

A travers mes lectures, je m'étais fait une idée de la traversée du désert. Mon rêve était différent de la réalité.

Je n'avais pas imaginé :

- la nourriture maure
- les petites maisons simples et sans fenêtres
- l'habillement et les voiles des femmes
- leurs prières 5 fois par jour
- la gentillesse des guides
- la pluie dans le désert
- la promenade remuante à dos de chameau
- les marchandes surgissant de nulle part
- le cérémonie des trois thés
- notre arrivée à Chinguetti comme des stars
- la CHALEUR accablante
- l'aspect et la couleur du sable
- la saleté dans les villes

Toutes ces découvertes me font de beaux souvenirs.

Un jour, j'y retournerai...
Elodie

 

Ce qui m’a le plus intéressé, c’est quand on montait et descendait les dunes, marchait sur les sommets. C’était très joli on voyait bien l’horizon et le soir il y avait de très jolis couchers de soleil.
Heureusement il y avait assez d’eau, il a plu pendant trois jours avant notre arrivée. Il faisait quand même très chaud (30°) mais je n’ai pas attrapé de coups de soleil, ouf !
C’était difficile le premier jour de faire cinq heures d’avion et encore cinq heures de camion ensuite. En plus la route était pleine de trous.
J’aimais beaucoup que tout soit calme dans le désert mais les derniers temps tout le monde était stressé, alors les guides parlaient si vite qu’on ne comprenait plus rien du tout.
Un gros problème, c’était de trouver un coin tranquille pour faire ses besoins, pas devant tout le monde.
On a visité une bibliothèque très ancienne (il y avait des livres du 14e et 16e siècle). La ville où elle se trouvait était très grande mais petit à petit le sable l’a envahi, il reste quand même des habitants.
Le guide, Mahmoud était bizarre, car il nous disait trois heures de marche et en fait on en faisait passé cinq. On pouvait aller sur les chameaux. C’était impressionnant parce que quand on est à côté ils ont l’air immenses, mais une fois dessus on se rend plus compte et ça semble moins haut.
Voilà, j’ai trouvé le voyage marrant mais trop court

Claire Vannay


Ce qui frappe tout de suite en sortant de l’avion, la sensation d’une forte chaleur, épaisse.
A l’aéroport, le douanier m’a direct demandé ce que je ressentais,… ça devait se voir !
J’ai beaucoup aimé marcher dans le sable, c’est une sensation dense très agréable bien qu’un peu fatigante.
Le paysage, les dunes inondées de soleil brillant étaient splendides. Tous les soirs à la même heure, une légère brise nous sifflait à l’oreille, nous indiquant quelle heure il était.
Même couchée sous la tente, j’avais le bonheur de pouvoir admirer les étoiles et profiter du calme lorsque tout le monde dormait.
Une chose m’a marquée, c’est le soir, quand nous mangions sur les tapis, la nourriture préparée par la cuisinière locale, les chameliers restaient très discrets, prés de leur feu. On les aurait presque oubliés !
J’ai beaucoup apprécié l’entente qui régnait au sein de groupe. Je fus aussi touchée de découvrir la volonté des enfants handicapés et leur faculté de se servir de tous leurs sens au maximum.
Mme Djendli m’a aussi épaté dans sa manière d’être attentive à ce que tout aille pour le mieux. Elle prenait aussi beaucoup de temps et avait la patience d’apprécier et d’observer les moindres détails de l’environnement qui nous entourait.

Le voyage fût une expérience magnifique, mais unique pour moi. Car le « point noir » c’était tous ces insectes partout dans nos affaires, le soir : ma hantise !
Encore un grand merci à Anissa, qui nous a permis de rêver avant, surtout pendant et encore maintenant grâce à cette belle aventure !

Bernadette Vannay

Pique-nique 2003

D'accord, l'endroit que nous avons choisi pour l'édition 2003 de notre traditionnel pique-nique était plutôt périphérique, mais l'invitation était tellement prometteuse que le déplacement dans la campagne délémontaise, nous semblait valoir la peine : équitation, château gonflable, ferme, fondue, brunch,...
En fait, nous ne sommes pas restés sur notre faim, et cela au sens propre comme au figuré: un accueil chaleureux par la famille Schaffner, une organisation impeccable, un lieu idyllique dans un coin de la Suisse peu connu. Un programme pour tous les goûts et tous les âges, et même du beau temps !
Pendant que les enfants se défoulaient dans le château gonflable ou partaient à la découverte des animaux de la ferme, les adultes faisaient ou refaisaient connaissance autour d'un verre. Les discussions, qui tournaient bien évidemment pour la plupart autour de nos enfants et de nos efforts pour les aider dans leur parcours, (soit à l'école, soit dans leurs loisirs, par des thérapies ou d’autres mesures) se poursuivaient pendant la traditionnelle grillade, garnie copieusement de salades que tout le monde avait apporté.
Pour digérer, rien de mieux qu’un petit tour à cheval ou à poney. Le cheval de la famille Schaffner et les deux poneys prêtés par un manège étaient pris d’assaut et ceci durant tout l’après-midi. Pour la plus grande joie de tous, petits et grands! Un grand merci aux deux jeunes filles, qui, patiemment ont servi de guides.
Bien qu’un des buts du pique-nique de l’ARPA soit d’offrir à nos enfants une activité intéressante, le plus important est l’échange. (Soit entre nos enfants, leurs frères et sœurs ou entre parents).
Selon l’âge de l’enfant, son handicap, le canton où il réside, la situation se présente différemment, et il y a toujours de nouvelles idées qui peuvent nous aider à revoir une situation d’un autre point de vue. Nous sommes aussi très contents qu’il y ait toujours des fidèles (anciens enfants) c’est à dire des jeunes adultes non-voyants, qui participent à cette rencontre.
Ils sont une sorte de « modèle » de ce que nos enfants deviendront plus tard.
Ainsi, mon mari a pu découvrir la manière dont une personne aveugle se sert des outils informatiques.Manoj, le fils de la famille Schaffner, lui a montré son équipement spécialisé.
Mais ce week-end n’était pas seulement riche en échanges entre personnes voyantes et non-voyantes, mais aussi entre le monde citadin et le monde rural. La traite des vaches, la bonne nourriture de la ferme, la tranquillité, tout cela était aussi une découverte pour nous tous! Le fait qu’il y ait possibilité de dormir sur place a donné à ce pique-nique le caractère de mini semaine verte.
Après une fondue arrosée et une heure de défoulement dans le château gonflable, il ne fallait plus trop de persuasion pour que tout le monde se dirige vers les dortoirs.Déjà après cinq minutes, un grand silence régnait, qui n’a pas été perturbé jusqu’au lendemain matin, ou un soleil radieux nous réveilla.
Tout le monde se retrouvait de bonne humeur pour le brunch – avec une tresse “faite maison” offerte par la famille Schaffner. Avant de partir, les enfants ont pu fouiller dans deux cartons remplis de jeux que la famille Forney nous a gracieusement offerts. Merci beaucoup.

Un GRAND MERCI à la famille Schaffner de nous avoir permis de vivre un week-end riche d’échanges et d’expériences et dommage, dommage qu’il n’y ait pas eu plus de familles qui en aient profité !!!

Johanna Lott Fischer

« Très toucher », exposition temporaire au Muséum d’histoire naturelle, Neuchâtel

L’exposition « Très toucher » au Muséum d’histoire naturelle de Neuchâtel n’est pas seulement intéressante pour les personnes malvoyantes ou aveugles parce qu’elle est interactive et permet de toucher à tous les objets exposés, mais le thème en soi, le rôle du toucher dans la perception de l’environnement et des relations avec les autres, devrait intéresser autant les parents que les enfants (à partir de 6 ans). Tous les exposés sont munis d’un écriteau en braille, seulement quelques courts textes figurent à l’entrée de chaque espace thématique. Pour les petits (3 à 6 ans), il y a en marge une mini exposition, où ils peuvent tâter des objets, marcher sur des sols de différentes textures ou se cacher dans une petite cabane complètement revêtue de peaux de mouton (ma fille a adoré ça !).
L’exposition se visite sans chaussures pour faire découvrir au public que le toucher ne concerne pas uniquement la main, mais bien le corps dans son entier. Pour entrer dans l’exposition, on passe dans un couloir hérissé de mains en caoutchouc qui nous touchent partout, une sensation vraiment étrange !
L’exposition commence par une explication physiologique du fonctionnement de la peau comme organe tactile principal, avec une belle maquette d’une coupe de la peau. J’ai compris pourquoi ma fille mettait longtemps tout à la bouche : c’est une des zones les plus sensibles de notre corps ! Ensuite, on peut toucher différentes peaux d’animaux, différentes sortes de pierres ou différentes espèces de bois, autrement dit des contacts plutôt agréables. Cela n’est pas le cas dans la partie destinée aux expérimentations de douleur, ou il faut par exemple essayer de décrire la sensation si on reçoit une légère décharge électrique.
Un autre thème couvert par l’exposition est la perception du chaud et du froid, qui fait partie de notre sensibilité tactile au sens large. Une série d’expériences amusantes montrent que la sensibilité thermique comporte une bonne partie de subjectivité !
Cachées derrière un rideau, six sculptures de formes et de matières différentes (bois, bronze, pierre, céramique) sont à découvrir uniquement en les explorant avec les mains. Quelle surprise quand on passe de l’autre côté du rideau pour les visualiser. Le curieux animal à trois pattes se révèle être une femme assise qui s’appuie sur une main ! Il est aussi très intéressant de regarder les mains des autres visiteurs qui sont en train de tâter les sculptures.
Une petite section de l’exposition parle de la cécité, en expliquant le braille, et en invitant le visiteur à résoudre dans le noir absolu, cinq petites tâches (par exemple dire si les vêtements suspendus aux cintres sont ceux d’une femme, d’un homme, ou de lire l’heure sur une horloge en relief). Ce petit exercice montre la concentration nécessaire pour chercher des informations qu’on reçoit normalement par un seul coup d’oeil.
L’exposition est encore à voir jusqu’au 4 janvier 2004 au Muséum d’histoire naturelle, rue des Terreaux 14 à Neuchâtel, du mardi au dimanche de 10h à 18h. Fermé les 24, 25 et 31 décembre 2003 et 1er janvier 2004. Pour plus d’information, voir aussi le site Internet http://www.museum-neuchâtel.ch
Johanna Fischer Lott

Chanter ou grimper sans s'expatrier.

Il est parfois difficile d'imaginer son enfant handicapé de la vue intégré dans un groupe d'enfants voyants pour les activités de loisirs que tout enfant apprécie: les parents craignent qu'on le regarde, qu'on ne sache pas le comprendre ou lui accorder l'aide dont il a besoin. L'enfant, de son côté, se demande s'il saura s'intégrer, s'il ne sera pas "à la traîne" etc.
Pour tenter de répondre à des questions de ce genre, je suis allée interviewer Alexandre Jungo, sympathique jeune fribourgeois malvoyant de 15 ans.

Outre son engagement au sein du GRSA où il est responsable informatique, Alex fait de la radio dans son canton d'origine et a pratiqué de nombreux loisirs (grimpe, chant choral...)
A la radio, explique-t-il, on échange des informations en se faisant des signes à travers la vitre. S’il n’est pas possible de se comprendre par geste, il faut utiliser l’écriture : les autres ont tout de suite compris qu’il fallait plaquer le papier contre la vitre et écrire gros. Il ajoute que, lorsqu'il faisait de la grimpe, il a simplement expliqué son problème de vue aux moniteurs afin qu'ils en tiennent compte. Il n'a jamais nié ou caché son problème de vue et ainsi n'a pas rencontré de difficulté particulière. Il devait faire de même à l'école, car Alex a suivi toute sa scolarité en intégration, sauf quelques cours occasionnels suivis au CPHV.

Je pourrais ajouter à cela mon expérience de non-voyante, car le problème est un peu différent. La malvoyance est plus ambiguë et ne se voit pas toujours, ce qui a ses avantages et ses inconvénients. Il est aisé de se représenter ce qu'est ne rien voir, alors que mal voir est plus difficile à imaginer. On aura donc plus tendance à oublier le handicap du malvoyant. Par contre, la personne non-voyante est plus dépendante et a besoin d'être guidée plus souvent. Pour ma part, lorsque j'ai commencé à chanter dans une chorale, mes voisines se sont habituées à me lire les textes ou à me taper sur l'épaule pour indiquer les départs jusqu'à ce que j'aie mémorisé la partition. Les chorégraphies étaient aussi un peu problématiques lorsque nous jouions dans des comédies musicales. Il fallait être synchronisé, essayer de percevoir les mouvements des autres pour s'harmoniser, pour ne pas "détonner".

Les résistances ont été rares, les maladresses occasionnelles et jamais méchantes quoi que parfois blessantes, comme cette directrice de chorale qui m'a fait venir devant tout le monde pour montrer à tous mes yeux "hors service" en insistant sur ma fragilité et les égards qu'elle attendait que les autres me témoignent. L'adolescente que j'étais alors s'est sentie montrée du doigt. En parler, oui. Faire des exercices avec lunettes de simulation ou bandeau? Encore mieux!
Le plus important est de permettre à tous de poser des questions et de prendre le temps d'y répondre. Ne pas hésiter à interpeller, à en discuter.

Faire partie d'un groupe de loisir ou de sport dans son quartier ou sa commune permet aussi et surtout de s'intégrer en prenant du bon temps, de connaître les autres jeunes et d'être connu d'eux. Lorsqu'on suit un cursus spécialisé, de telles activités le complètent à merveille. La plupart des groupes et des moniteurs sont très ouverts et curieux. Les jeunes qui souhaitent faire découvrir leur sport ou activité préféré à une personne handicapée sont de plus en plus nombreux. Récemment par exemple, la fédération suisse de judo a proposé un programme de sensibilisation aux handicaps physiques et sensoriels. Les professeurs présents venaient de toute la suisse romande et proposaient plusieurs arts martiaux, mais aussi de la self-défense. Qu'on se le dise!

Marie-Pierre Assimacopoulos (avec la collaboration d'Alexandre Jungo).

Annonce

Nous avons reçu déjà depuis quelque temps une offre d’une jeune femme de 24 ans, qui serait désireuse de partager sa passion pour la course à pied avec une personne non-voyante.
A raison d’un entraînement commun par semaine (max. 10 Km) en région lausannoise.
Idéalement le/ le non-voyant(e) devrait être âgé(e) entre 22 et 35 ans. La possibilité de faire quelques compétitions n’est pas exclue si l’expérience s’annonce fructueuse.
Si vous êtes intéressé(e) par cette offre, veuillez prendre contact avec le secrétariat de l’ARPA.